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The heart wants what the heart wants.

22 décembre 2010

jack0

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22 décembre 2010

sweet_underwear

22 décembre 2010

chapitre 2: l'héritière. Réveil difficile. Je

chapitre 2: l'héritière.

 

 

Réveil difficile. Je n'ai pas arrêté d'y penser cette nuit . Cette histoire, j'ai l'impression de l'avoir rêvée, inventée de toutes pièces. Parce que c'est un peu gros, que ma mère se soit remariée avec un aristocrate richissime et que celui-ci, sur son lit de mort me lègue des bijoux inestimables.

 Je vais me rendre chez ce globulot, et puis j'aviserai. Cela m'a tout l'air d'être une mauvaise blague, ces riches ne savent plus quoi inventer pour tromper l'ennui.

Non d'un chien. Héritière. Moi, Lean Disaster, désastre ambulant et future propriétaire d'une petite fortune.

héritière!

On toque à la porte.

«  Lean?

_oui?

_je t'apporte quelques vêtements pour l'entretient de ce matin avec le notaire...

_ entre! »

Apportant avec elle les odeurs de brioche, d'oeufs brouillés et de bacon grillé ,tante Mia ouvre la porte du coude, les bras chargés de jupons, chemises et bas. Sur le dessus de la pile, une paire de chaussures.

 

«  c'est un peu vieillot mais tu as plus fière allure comme cela » Déclare Tante mia satisfaite après une demie heure d'essayages. Les cheveux relevés ,avec un bandeau pourpre, une robe gris clair brodée au col et aux manches de dentelle pourpre, rappelant ainsi le L'étole sur mes épaules. Mes bottes sont usées mais pratiques pour la neige qui s'est entassée dans la rue cette nuit.

L'heure de vérité est proche.

Je descends dans le salon, tendue. Je n'ai pas envie de manger quoi que ce soit, même de la brioche.

Oncle Jean se lève de sa chaise, et sans un mot nous nous dirigeons vers la porte donnant sur la boutique.

Dans les rues silencieuses, on n'entend que le craquement de nos chaussures dans la neige fraîche.

Je n'ose pas rompre le silence.

Et puis tout bien réfléchi, je n'en ai pas envie: Je ne sais absolument pas quoi lui dire. Je n'avais pas eu de nouvelles de ma mère depuis son départ, il y a bientôt quinze ans. Elle est partie sans un mot, sans raisons apparentes et je n'ai aucun souvenir d'elle. Je l'ai rangée, enfouie dans une petite boîte fermée à clé dans mon esprit. Les souvenirs, je les ai toujours. La tristesse, la colère, la solitude aussi. Mais je n'y pense pas, je n'y pense plus. C'est si loin!

Et j'ai eu des parents. Ce petit homme rond aux cheveux hirsutes et cette petite souris qui sent la brioche, la voilà ma famille.

Alors, une fois ces affaires terminées, j'enfermerai cette réapparition maternelle dans la petite boîte.

 

Voilà l'immeuble. À droite de la porte, sur une petite plaque noire il y a gravé:

Mr R.H. Globulot. NOTAIRE.

Mon oncle tire sur la ficelle de la sonnette et à l'intérieur, nous entendons des clochettes tinter. Au bout d'une minute, un jeune homme nous ouvre la lourde porte. Les cheveux bouclés clairs, de petites lunettes rondes et un complet marron.

Il se présente: j'oublie instantanément son nom.

Il nous guide au premier étage, l'immeuble est un vieux bâtiment impeccablement entretenu, avec de beaux tapis rouges à terre,une rampe d'escalier en fer forgé et les plafonds avec des moulures.

L'assistant ouvre au premier étage une lourde porte à double battants , et nous arrivons dans un splendide bureau baigné de lumière naturelle par une large fenêtre, avec aux murs des bibliothèques remplies de dossiers. Au centre, un bureau en chêne massif. Assis derrière celui ci un tout petit homme habillé de noir, les cheveux noirs ordonnés, avec de petites lunettes rondes lui donnant l'air important. Il se lève lentement, et d'un sourire sympathique voir trop chaleureux pour un notaire, nous fait signe de nous asseoir.

«Bonjour Mademoiselle, Monsieur. Je suis ravi de vous voir si promptement dans mon bureau, c'est absolument parfait. Nous allons pouvoir régler rapidement cette histoire, et l'inspecteur en sera ravi»

ne comprenant pas tout, je laisse mon oncle se charger de parler le premier. Je me sens trop nerveuse pour dire quoi que ce soit.

Il y a un très beau coupe papier sur le bureau, en ivoire. Le manche est sculpté en une multitude de petits dessins...

 

« Lean? As-tu entendu la question de Monsieur?

non

_ pardon? Excusez moi, j'étais... euh... pourriez vous répéter votre question s'il vous plaît?

_ êtes vous d'accord pour rencontrer l'inspecteur de police dans les plus brefs délais?

_ l'inspecteur de police? Pour quoi faire?

_ et bien pour les bijoux, je vous ai dit qu'ils étaient menacés de vols au regard de leur valeur, il me semble donc judicieux que vous soyez en contact direct avec l'inspecteur. Voyez vous il semblerait qu'un cambrioleur très habile sévisse depuis maintenant de nombreux mois, il à déjà dérobé des affaires de grande valeur à la famille Bosworth, les Ducastel, à Madame la comtesse de Leblois... et j'en passe.

_ et où suis-je supposée rencontrer votre inspecteur?

_ si vous n'y voyez pas d'inconvénient je lui indiquerai votre domicile directement, il pourra ainsi vous rendre visite discrètement. Et bien... Mademoiselle, nous arrivons au moment où je dois vous remettre les bijoux »

le petit notaire sort alors une clé de sa poche, se rend près de la fenêtre où il y a un coffre énorme. Il l'ouvre, et en sort un coffret plus petit, en bois laqué sombre. Il le soulève avec un peu de difficulté, comme si il était très lourd. Puis, il le dépose sur le bureau, sort une seconde clé de sa poche, très petite et biscornue, et il ouvre le petit coffre. Face à moi, il y a une rivière d'or et de pierres, des colliers, bracelets, bagues déposés sur des plateaux pivotants à différents niveaux. Je ne sais où regarder tant il y a de pierres étincelantes, des rubis et des émeraudes, une bague avec une topaze, de petits diamants, des plus gros, une rivière de saphirs, de petites bagues simples, dont quelque unes en argent, en or blanc ou jaune, il y a aussi des pendants d'oreille en jaspe et en turquoise, et des perles en abondance. 

Effrayant. Ceci explique l'histoire avec l'inspecteur de police.

Le notaire me tend la clé, illuminé d'un sourire radieux. Il à l'air heureux pour moi, on dirait. À moins que l'argent ne me rende sympathique...

« et bien voilà mademoiselle. Je ne doute pas que vous saurez gérer au mieux cette fortune et je vous souhaite d'immenses joies. Simon va vous raccompagner avec la voiture, ce coffre est diablement lourd! »

Mon oncle et moi même remercions avec chaleur le petit homme qui prend la peine de nous accompagner jusqu'à la porte. Au moment où je quitte la pièce, il me retient doucement le bras, et me murmure

«  faites attention mademoiselle, l'argent attire la vermine. Ne vous laissez jamais griser par la fortune et ne faites jamais confiance dès le premier abord. Sir Eustache avait prévu... quelques petites choses pour que vous ne soyez pas seule, il a réuni certaines personnes de son entourage le plus proche pour veiller sur vous. L'inspecteur vous l'expliquera avec plus de détails,sachez seulement que vous n'êtes pas seule, mais que le danger vous guette désormais. Ce cambrioleur n'est pas un amateur, et quelque chose me dit que pour qu'un fin limier comme l'inspecteur soit sur cette affaire il se trame quelque chose qui n'a rien de sympathique. Sachez de plus que mon bureau vous sera toujours ouvert, en cas de problème.

_merci, monsieur. Du fond du coeur, un grand merci. »

je lui serre la main, et quelque chose me dit que je peux en effet lui accorder toute ma confiance. D'instinct, j'ai le sentiment que ce n'est pas la dernière fois que nous nous rencontrons. Je devine aussi qu'il a raison, que la rivière d'or qui coule à mes pieds va certainement charrier un grand nombre de personnes mal intentionnées.

Je compte bien m'y préparer.

 

 

Le coffre trône désormais sur la table qui me sert de coiffeuse. Je le regarde, assise en chemise de nuit sur mon lit et je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir en faire. Déjà il est fort possible que l'on vienne me le voler dans la nuit. Ça m'arrangerait presque. C'est vrai que c'est incroyable de me dire qu'avec autant d'argent j'ai de quoi vivre pour le restant de mes jours à ne strictement rien faire, c'est un rêve! Et pourtant on dirait plutôt une malédiction, du jour au lendemain je me retrouve riche, et par la même occasion ,seule.

Déjà, mon oncle et tante Mia se sont mis à me regarder différemment,avec cet air inquiet qu'ils avaient quand mon père est mort : ce regard qui veut dire « si seulement elle pouvait exprimer ce qu'elle en pense ».c'est vrai que je n'en ai pas parlé, pas une seule fois. Je ne sais pas quoi dire en même temps, quand je saurai je leur dirai le fond de ma pensée. Mieux vaut attendre un peu plutôt que de leur raconter le fond qui est pour l'instant largement empreint de panique.

Qu'es ce que je vais faire?

Quelle poisse.

Qu'es ce que j'ai toujours voulu faire?

Pourquoi ne pas monter mon affaire?

Ou voyager?

ou...

plonger dans le sommeil...

 

 

ce matin, tante Mia n'est pas venue me réveiller pour les brioches.

Sur la table de la cuisine , un petit mot: suis allée en ville faire les boutiques, ton oncle veut que tu restes à la maison. C'est pour l'inspecteur. Les Brioches sont dans le four.

Ce que je l'aime ma tatie brioches!

Après un bon petit déjeuner, il faut que je me prépare. Si l'inspecteur doit passer , je n'ai absolument pas envie de l'accueillir en chemise de nuit.

Autant faire simple, mais pas fille de ferme. Je crois que je vais devoir commencer à me comporter en héritière!

Je prends la grande marmite, fait chauffer de l'eau au feu. Puis, avec un petit seau, je transporte de l'eau chaude de la marmite dans la cheminée au baquet placé dans une pièce qui nous sert de lingerie, et lieu d'ablutions. J'aime beaucoup me servir des savons que tante Mia rapporte parfois de ses courses. Ils rendent la peau infiniment douce, et les cheveux soyeux. Ce qui n'est pas une mince affaire, avec mon épaisse tignasse bouclée... en général je me contente de les attacher en un chignon épais et serré, en arrière pour dégager mon visage. Je pourrais changer, pour une fois. Tante Mia m'a raccourci les mèches de devant, elles étaient trop abîmées et elle espérait que je changerai de coiffure.

Il y a un miroir dans la lingerie. Un grand miroir en pied. Je regarde mon corps à la dérobée, je n'aime pas le voir. C'est cette cicatrice le long de ma jambe droite qui me fait horreur: Je me rappelle l'odeur de la chair brûlée, la douleur. Alors, ce n'est pas tant la laideur de cette marque indélébile qui me révulse, mais plutôt les souvenirs qui l'accompagnent.

 

Une fois propre, et mes cheveux démêlés, je me retrouve face à mon armoire. Il y a bien un chemisier pourpre, que mon oncle m'a offert pour mon anniversaire. Et puis une jupe gris perle aussi. Je pourrai facilement coudre un ou deux rubans et un peu de dentelle dans la matinée, pour m'occuper.

Dans le coffre à bijoux, je trouve un médaillon serti de rubis sur une chaîne en or blanc. Je me rappelle alors la bague que l'antiquaire m'a plus ou moins offerte. Je l'ai laissée dans mon manteau.

C'est décidé. Je ne me laisserai pas griser par la richesse, et les bijoux. Cette bague, aussi modeste soit elle me rappelle à quel point la simplicité peut avoir du charme, et mes origines sont modestes. Autant le rester. Et ne pas me croire au dessus de tout le monde parce que j'ai des rubis. Ce serait particulièrement honteux, vu le nombre de fois où j'ai critiqué les clients plus ou moins riches que nous avons à la boutique...

une bonne heure de couture et me voilà avec une allure loin d'être celle d'une dame distinguée mais plus du tout celle d'une femme de chambre. Pour l'instant c'est convenable: je crois que pour me faire respecter, prendre au sérieux je dois mettre les apparences de mon côté. Je ne sais toujours pas à qui je peux faire confiance, avoir un notaire bienveillant en cas de besoin est une chose, mais si ce qu'il m'a dit est vrai, je risque de me faire voler les bijoux d'un jour à l'autre.

L'idéal, ce serait que je puisse les mettre dans différents lieux, sûrs. Le coup de la latte de plancher qui se soulève est beaucoup trop connue. Le trou dans la cave aussi. Pour l'instant, je pense en cacher une partie dans la maison,je pourrai en mettre dans ma tête de lit, elle est creuse. Une autre pourrait être mise en lieu sûr dans un coffre à la banque.

 

Tout d'un coup, quelqu'un toque à la porte correspondant entre l'atelier et le salon de la maison. Elle s'ouvre, et Sylvain passe la tête dans l'entrebâillement:

«  je ne te dérange pas? Un monsieur demande à te voir, et ton oncle m'a dit que vous aviez rendez-vous. Je le fais monter?

_oui, vas y »

gorge sèche.

une poignée de secondes plus tard, Sylvain ouvre à nouveau la porte, et laisse entrer un homme de taille moyenne, le teint basané, les cheveux bruns, la barbe naissante mais avec les traits séduisants. Il à l'air négligé, ses vêtements sont de bonne qualité, mais ils sont usés et rapiécés en différents endroits. il dégage une forte odeur de tabac, et ses yeux sombres parcourent la pièce du regard, sans omettre un détail avant de se poser sur moi. Des pieds à la tête, il me regarde, me jauge. Puis se présente:

« Mademoiselle Disaster , enchanté. je suis l'inspecteur Leek. Arthur Leek. Il joint à son salut un petit signe de la tête. D'un geste nerveux, il passe sa main dans ses cheveux. C' était supposé le recoiffer, mais cela ne fait qu'accentuer son petit côté...chien des rues.

D'un air entendu, et d'un clin d'oeil, Sylvain quitte la pièce , refermant la porte. Après quelques secondes d'un silence gêné, j'invite l'inspecteur à s'asseoir sur le sofa, et à prendre une tasse de thé qu'il accepte volontiers. Il dépose à ses côtés un manteau long noir et un chapeau à large bords de cocher.

 Je finis par m'asseoir en face de lui, sur le fauteuil de mon oncle.

Mr Globulot vous à déjà contactée et expliqué les raisons de ma présence ici, n'es-ce pas?

_ en effet. Cependant il est resté assez vague, je suppose qu'il préférait vous laisser m'expliquer en détails la situation, ainsi que l'objet de votre mission.

_ très bien, allons droit au but. C'est parfait, nous n'avons pas de temps à perdre. Vous avez peut être entendu ces derniers mois que de nombreux bijoux de valeur ont été dérobés à certaines familles du pays?

_ j'en ai en effet entendu parler. Mais seulement du bouche à oreille, et quelques articles parus dans la presse, relatant brièvement les faits.

_ vous n'avez alors connaissance que du quart de ces fâcheuses affaires mademoiselle. Nous avons tenté de les étouffer , afin ne pas compromettre notre enquête en semant un vent de panique chez tous les possesseurs de bijoux du pays. Voyez vous, nous avons certains éléments qui nous portent à croire que notre voleur ne choisit ni les individus, ni les objets au hasard. C'est un grand connaisseur et il a vraisemblablement des informateurs efficaces. Cet homme ne laisse aucune trace, il n'y à a ce jour qu'une poignée de témoins pour un déjà bien trop grand nombre d'affaires.

_ Bien. Pouvez vous m'expliquer ce qui vous porte à croire que cet individu pourrait s'intéresser aux bijoux en ma possession?

_ je vous ai dit que l'auteur des larcins ne choisissait pas ses victimes au hasard, qu'il planifiait avec soin ses moindres actions. Tous les objets dérobés sont des pièces uniques, d'une valeur inestimable transmises de génération en génération. Leur célébrité les rend extrêmement difficiles à revendre même dans un réseau clandestin rodé. Sir Eustache avait pris des dispositions, ainsi que d'autres familles possédant de tels objets, pour protéger ceux-ci du voleur. il y a peu, son notaire nous à signalé que vous hériteriez des bijoux et il nous à prié de veiller à votre sécurité ainsi qu'a la sauvegarde de ceux-ci. Il semblerait que sir Eustache tenait particulièrement à ce que vous soyez protégée. Je ne souhaite pas vous alarmer mais certains des larcins ont été accompagnés de violences.

_Vous vous chargez donc de la surveillance des bijoux?et de la protection de ceux qui les possèdent?

_ je ne m'en charge pas directement mais une partie des effectifs de ma section s'en occupe, en effet.

_ en espérant appréhender le voleur.

_ c'est exact.

_ j'imagine que ce service de protection n'est pas gratuit?

 

Expression malaisée de l'inspecteur. J'ai fait mouche.

_ les moyens mis en oeuvre pour ces protections ont besoin d'être financés... les familles les ont pris à leur charge.

_ Je m'en doutais. Soyez honnête: quel est le risque pour que le voleur s'aventure chez moi pour me dérober mes biens?

_ je dirais qu'il est important. Mais, j'ai eu une conversation avec le notaire de Sir Eustache. La plupart des bijoux en votre possession sont des présents que celui ci avait fait à ses épouses. Ceux-ci n'intéressent pas le voleur, il ne dérobe qu'une seule pièce à chaque fois, et vous n'en possédez qu'une répondant aux critères qui semblent orienter ses larcins.

_laquelle?

_ c'est un médaillon représentant un paon. En or massif, les plumes de la queue sont serties d'émeraudes, le corps de l'oiseau est un saphir taillé. Je ne fais que répéter la description que Mr Globulot m'a donnée, je ne l'ai pas vu moi même.

_ il ne me semble pas l'avoir vu, mais je n'ai jeté qu'un bref coup d'oeil aux Bijoux. Je vais aller chercher le coffre si vous voulez m'excuser quelques minutes?

_ certainement mademoiselle.

Je me lève doucement, l'air faussement impassible et calme, et quitte la pièce. Une fois à l'étage, je soulève péniblement le coffre. Cet entretient à été jusqu'alors très instructif, presque rassurant. L'inspecteur à l'air à l'aise, et semble m'avoir prise au sérieux, pas de faux semblants ni de condescendance, et il à du comprendre que je n'étais pas une demeurée totale, même si je n'en ai pas l'air, parfois!

Je finis par déposer un peu trop lourdement le coffre sur la table de la cuisine. L'inspecteur se lève et s'approche, d'un pas assuré et souple. Il me fait penser à un félin.

J'ouvre les différents plateaux, et au fond du coffret se trouve un écrin de bois précieux, assez large et lourd dans ma main. Je l'ouvre, et je ne peux m'empêcher de pousser un léger cri. Un impressionnant saphir forme en effet le corps de l'oiseau ainsi que sa tête sauf le bec, les plumes du paon sont en or massif serti d'émeraudes. Le tout est monté sur une chaîne en or très épaisse.

_ La valeur de ce bijou saute aux yeux. Sir Eustache avait raison de s'inquiéter... votre réaction en est une preuve.

_ je ne voudrais pas vous contredire inspecteur mais si la valeur est évidente, ma surprise vient plus de la laideur de ce pendentif que de son pesant d'or.

_ sa laideur? À cet instant on dirait qu'il a reçu un coup de poing en plein estomac tant sa bouche est tordue et ses yeux exorbités de surprise.

_ c'est une vraie horreur. Il est énorme, complètement tapageur et importable. Si jamais il est volé, il est évident que ce sera pas pour des critères esthétiques, pour la beauté de l'art. Je crois que je serais même soulagée de ne plus posséder un objet aussi laid. »

ces mots sont sortis de ma bouche sans même que j'y aie pensé, mais l'inspecteur éclate d'un rire franc, presque enfantin et quasiment contagieux.

Puis, il se reprend. Ses yeux brillent d'une étincelle de brûlante curiosité à mon égard, et d'intelligence. Comme si ses méninges tournaient à plein régime. Prenant son temps, comme si il choisissait soigneusement ses mots, il déclare:

« veuillez m'excuser mademoiselle mais je n'avais pas entendu une déclaration aussi bien assenée, et d'une telle franchise dans la bouche d'une jeune femme depuis très longtemps. Je ne m'y attendais si peu que j'ai été pris de court!

_ je ne voudrais pas paraître inconvenante ni irrévérencieuse, je n'ai pas vraiment réfléchi à ce que je disais.

_ mais vous aviez raison. La franchise est rare et je partage votre point de vue, cet objet est d'une grande valeur ,mais dénué de toute beauté. Je dirais même plus: offrez le à un ami et si celui ci à un tant soit peu de goût il en sera offensé à jamais!

_ il sera aisé de le localiser si jamais on me le dérobe, une telle laideur ne peut passer inaperçue il me semble?

_ de tous ceux que j'ai vu il sera en effet le plus difficile à faire disparaître. Ce pourrait même être une chance pour nous de le coincer...

_ j'imagine que si Mr Globulot vous à qualifié de « fin limier » c'est que l'affaire est sérieuse, qu'elle engage plus que quelques bijoux hideux de gros bourgeois, aussi importante soit la mise à prix de ce criminel... je ne tiens pas à cet objet, pas assez pour mettre ma vie en danger. Je n'ai pas encore réfléchi à ce que je vais faire de ma fortune mais je n'aurai pas la prétention d'afficher mes biens autour de mon cou, je n'en vois pas l'intérêt qu'il soit esthétique ou social.

_ où voulez-vous en venir?

_ il y a une raison pour que vous vous soyez déplacé vous même jusque chez moi.

Il à l'air grave, sombre. Presque inquiétant . ses yeux étincellent comme ceux d'un fauve.

_vous êtes perspicace.

_ vous allez me proposer un marché, n'est-ce pas? Vous espériez que je vous signifie mon peu d'intérêt pour cette chose avant de faire votre proposition.

_ et bien je vois que je n'ai pas affaire à la moitié d'une gourde.

_ petite condition ne signifie pas être dénué de tout sens logique.

_ Je ne me permettrai pas de telles pensées mademoiselle. Mais je m'avoue surpris que vous ayez compris si vite de quoi il retourne.

_ je prends cela pour un compliment, Monsieur. Sachez à présent que l'idée de servir d'appât pour criminel ne me ravit pas. Mais je suppose que si j'accepte, je serais indemnisée?

_exact.

_ bien. Quelle est donc la marche à suivre désormais?

_ vous acceptez donc?

_ je n'ai pas vraiment le choix. J'accepte et je suis protégée, indemnisée. Je refuse et je suis exposée.

_ Vous serez protégée , soyez en certaine. J'ai élaboré il y a quelques temps un certain nombre de plans pour mettre en oeuvre une protection à la fois efficace et invisible. Je vous ai fait surveiller depuis déjà quelques semaines.

_ d'où mon impression désagréable d'être suivie ces derniers temps par d'étranges individus vêtus de noir disparaissant aux coins des rues...

_ Je suis désolé pour ces désagréments. Mais vous avez deviné une partie du problème, cette affaire est plus qu'une simple affaire de vols en série. Il y a un enjeu diplomatique important derrière ces larcins. Certaines pièces ont été revendues après avoir été démontées, refondues, démantelées dans d'autres pays, avec lesquels nous n'entretenons pas les rapports les plus pacifiques... ce qui rend l'enquête dérangeante diplomatiquement , difficile à mener ... De plus, il y a eu des violences envers certains possesseurs de bijoux... et nous soupçonnons qu'un certain nombre de meurtres ont été commis par le criminel ou son équipe.

_ son équipe?

_il n'opère pas seul. Mais il est méfiant et lorsque nous avons la moindre piste, un informateur, un artisan qui à eu une des pièces volées entre les mains... il les élimine. Disparitions, meurtres... ils sont peu fréquents mais il y en a eu.

J'avale ma salive. J'aurai dû réfléchir avant d'accepter d'hériter. Et de rencontrer cet homme. Et de l'aider aussi.

Semblant deviner mon malaise, l'inspecteur tente de me rassurer:

rien ne vous arrivera, mademoiselle. Je vous en fait la promesse. Je vous ai fait suivre avant même que vous n'acceptiez de nous aider, et je vous aurai fait protéger même si vous aviez refusé. Cette affaire est importante mais je ne me servirai pas de vous comme un vulgaire appât pour attraper un poisson. Le pendentif sera l'appât, mais vous serez hors d'atteinte.

Je vous l'ai dit, j'ai un plan. Nous avons un plan, mon coéquipier et moi même.

_ votre coéquipier?

_ oui... vous l'avez déjà rencontré, en fait. Il est venu chez vous la semaine dernière. Il voulait vous observer dans votre « élément naturel » .

_ qui était-ce?

L'image des trois hommes aux costumes d'oiseaux me revient. Scrutateurs, étranges.

_ Stanley Beresford. Plus grand que moi, les cheveux brun clair aux reflets auburn, comme les vôtres. Les yeux bleus.

_complet bleu de bonne coupe , épaules larges,l'air moqueur et les yeux perçants.

_ lui même.

_ votre plan?

_ nous allons vous faire héberger d'ici deux semaines par son ami, Paul Jenson dans son manoir. Nous le faisons surveiller, sa famille possède une pièce semblable à la vôtre.

les pauvres

là bas, vous serez sous sa surveillance et sa protection. Un jeune garçon jouera le rôle de votre valet. C'est un coquin mais il m'est loyal et fidèle. il est habile et très futé et il verra venir le danger de loin. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous allons devoir tout mettre en scène: Dans deux jours, vous irez faire des courses en ville, près de la boutique de l'antiquaire. À neuf heures , une voiture arrivera à toute allure au coin de la rue, et se précipitera vers vous. Mon garçon vous écartera du chemin pour vous protéger. Pour le remercier, vous lui offrirez un bon repas chez vous, de nouveaux vêtements et une place de valet à votre service. Il servira d'intermédiaire entre nous, car pour l'instant personne ne doit savoir que je vous ai rendu visite, c'est très important.

_ message reçu. Pour la suite, comment vais-je être mise en « contact » avec votre coéquipier?

_ c'est très simple. Sir Eustache est un ami de très longue date de Jenson père. Il à demandé à Jenson de vous prendre sous son aile pour protéger vos biens, et vous apprendre comment gérer votre fortune. Vous allez recevoir dans une semaine sa proposition pour que vous séjourniez chez lui, que vous accepterez quelques jours plus tard.

_ vous vous donnez beaucoup de mal... je suppose que votre lien avec votre coéquipier doit demeurer secret?

_oui. Il est sous couverture depuis des années et il serait catastrophique qu'il soit révélé qu'il est inspecteur de police.

_ des années?

_ c'est une longue histoire mais il est notre agent dans les affaires incluant les hautes sphères du pays depuis son plus jeune âge, comme l'étaient son père et son oncle, son grand père et ainsi de suite.

_ c'est entendu. Dans deux jours, le valet. Dans une semaine, la lettre, dans deux semaines, le manoir. Le tout sous le sceau du secret.

_ l'apprenti , votre oncle et votre tante devront se tenir à l'écart de cette affaire, taire ma visite et se montrer discrets et conciliants.

_ ils comprendront.

_ bien. Je vais devoir vous quitter mademoiselle. Je vous remercie infiniment de votre collaboration. j'admire votre aplomb devant cette situation qui, je l'imagine est difficile à gérer.

_ c'est pourtant courant , de se retrouver en l'espace de quelques jours héritière fortunée figurant sur le testament d'un lord, menacée de vol, collaboratrice des forces de police, suivie par celles ci dans ses moindres déplacements et future invitée de la famille Jenson. Surtout quand on est une couturière!

_ l'arme qu'est l'ironie et le sarcasme est redoutable dans la bouche d'une jolie jeune femme. Ne vous inquiétez pas, nous prenons soin de vous.

Jolie.

 jolie jeune femme.

Puis, il ramasse son long manteau de cocher, son chapeau à large bords et son écharpe épaisse qu'il avait laissé sur le sofa, revêt son déguisement et Il marmonne en guise d'explication un : « je suis venu incognito ». puis, il se dirige vers la porte, se retourne vers moi la main sur la poignée et me salue, d'un petit signe de tête et d'un claquement de talon et disparaît.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*chapitre 3: protection rapprochée.

 

 

La confiance. Je ne comprends pas comment j'ai réussi à l'accorder aussi vite, baisser ma garde face à l'inspecteur. J'ai deviné d'instinct ses intentions à mon égard... mais je ne peux pas m'empêcher de penser à quel point je peux être stupide d'avoir dévoilé mes cartes avec aussi peu de retenue. J'ai accepté sa protection tellement promptement que je me suis mise dans une position de faiblesse évidente, de dépendance face à lui. Ce n'est pas que sa personne me déplaise, en soi il n'a rien de repoussant et il m'est sympathique avec son air de chat de gouttière. Mais quelque chose est inquiétant dans toute cette affaire, tout me tombe dessus, comme si un farceur voulait me dire «  tu te plaignais des bigotes et des jeunes hommes pervers clients de la boutique, de la routine? Tu voulais des aventures? En voilà! »

d'où mon idée encore plus lamentable de garder avec moi un couteau.

Comment assurer mes arrières moi même, avant de faire confiance à n'importe qui?

Déjà, je vais placer une partie des bijoux à la banque, c'est décidé. Je n'aurai pas dû ouvrir le coffre entier devant l'inspecteur c'était imprudent.

Donc première chose à faire: mettre de côté une grosse partie des bijoux. La Deuxième phase consistera à en vendre certains pour avoir de l'argent sur moi en cas de pépin.

La troisième va être de faire faire une copie du médaillon. Je pourrai m'en servir en guise de test sur la loyauté des personnes qui m'entourent...

et voilà. Je pense déjà à tester la bienveillance de ceux qui m'entourent. Quand on ne possède rien, on peut se fier à son instinct. Mais quand les choses enflent, prennent autant d'ampleur il faut se fier à autre chose qu'à l'observation et la déduction. Je dois commencer dès maintenant à assurer mes arrières.

 

 

 

Mais qu'es-ce que je fais à 9 heures moins deux minutes du matin, seule dans la rue de l'antiquaire, dans le froid et la neige tombée de la veille, à attendre qu'une voiture me fonce dessus?

Dans une minute maintenant. Je suis la trotteuse sur mon poignet, à la dérobée faisant mine de chercher quelque chose dans mon panier. Il n'y a pas beaucoup de monde dans la rue à cette heure ci, la plupart sont des commis, livreurs. Ils sont tous affairés, concentrés.

L'aiguille parcourt le cadran. Je me place dos à la route. J'entends des chevaux hennir au coin de la rue. Les chevaux sont lancés au trot rapide, à quelques mètres derrière moi.

Je me retourne, traverse la rue. Des hennissements, un cri de cocher.

Mon pied glisse sur le verglas de la rue.

Je hais les chevaux.

 

 

 

Paupière gauche. Il y a du mouvement dans la pièce. Paupière droite.

Qui es-ce?

 Je me redresse d’un coup, et face à moi il y a ces deux yeux bleus moqueurs, que je reconnais comme appartenant Stanley Beresford. Derrière lui, un jeune garçon que je n'ai jamais vu et une femme que je reconnais pour l'avoir croisée chez le boucher comme l'épouse du nouvel antiquaire. Je tente de me lever, vacille et Beresford me rattrape en entourant ma taille d'un bras, m’évitant ainsi de m'écrouler sur le sol.

Il me fait asseoir sur le sofa sur lequel j'étais semblerait il allongée avant mon réveil

Je reconnais l'endroit comme la boutique de l'antiquaire lui même , re-décorée et garnie de nouveaux objets.

 «  Comment allez vous mademoiselle?

_ Je crois j’ai dû perdre un bout de mon crâne pour souffrir autant

_vous n'êtes pas passée loin, en effet. Bon dieu mais vous nous avez fait une de ces peurs! Qu'est- il arrivé?

_ je ne sais pas...je crois que j'ai glissé sur la chaussée.

_ Et bien heureusement que ce jeune homme à été rapide. Il a réussi à vous rattraper avant que vous ne heurtiez le sol et que les chevaux ne vous piétinent.

Le jeune garçon esquisse alors un sourire timide, les sourcils froncés, l'air inquiet.

_merci beaucoup. Comment t'appelles tu jeune homme?

_ moi c'est coquin mademoiselle..

_ D'accord. il me semble que pour te remercier de m'avoir poussée de sous les sabots de ces deux percherons et par conséquent sauvé la vie, je dois t'offrir quelque chose. Que dirais tu d'un bon repas, et de nouveaux vêtements ?

_ j'en serais très content mademoiselle

_ bien. Où habites du?

_ les quartiers sud.

_as tu un travail? Es tu apprenti?

_ non mademoiselle.

_cherches tu un travail honnête?

_ ça se pourrait bien.

_ je cherchais justement quelqu'un de courageux pour m'assister dans certaines de mes affaires. Je suis très maladroite et je crois que j'aurai besoin d'un homme à tout faire, valet, garde du corps, commis... accepterais tu de remplir ce rôle?

_ Oh oui mademoiselle!

Heureusement que la femme de l'antiquaire n'a pas l'air dégourdi, vu à quel point l'enthousiasme feint de ce garçon est peu convaincant.

_bien. J'ai une question: j'ai pris un gros coup sur la tête mais nous sommes bien dans la boutique de l'antiquaire?

_ oui mademoiselle, le cocher de la voiture et le jeune garçon vous ont transportée ici, et mon mari est parti faire chercher votre oncle.

_ merci madame, c'est très gentil de votre part. Oserais -je vous demander un verre d'eau, j'ai la gorge très sèche et je me sens faible tout d'un coup.

_ mais bien sûr mon petit.

À peine sortie, stanley Beresford, habillé en cocher s'accroupit devant moi et chuchote:

_ Vous nous avez fait très peur, il n'était pas prévu que vous soyez blessée il me semble! Au moins ,nous avons un témoin de la scène, qui ne la rend que plus crédible.

_ je crois oui...J'ai même une grosse bosse à exhiber pour ceux qui ne me croiraient pas.

_ vous avez l'air...habituée à ce genre de désagréments.

Son air amusé et ses traits séduisants me font baisser un instant les yeux, et rosir.

_ Lean Disaster. Enchantée.

Diversion par le sarcasme, la blague sur mon nom: classique.

Il esquisse un sourire.

_Arthur m'avait prévenu que vous aviez de l'humour...Stanley Beresford,navré des circonstances mais enchanté de faire votre connaissance.

_ vous et votre ami aimez le déguisement de cocher on dirait?

_ en effet! Il est très pratique... facile à retirer, et qui fait attention au cocher? Il n'y a pas plus anonyme je crois. Mademoiselle, je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps sans que ma présence n'éveille les soupçons. Je souhaitais cependant vous dire que l'idée de placer des bijoux à la banque était judicieuse, mais laissez nous nous charger de la copie du médaillon. Je vous mettrai au courant prochainement, nous allons séjourner au manoir Jenson ensemble. À très bientôt. »

Deux secondes après qu'il se soit relevé, la femme de l'antiquaire s'avance, le visage plein de compassion vers moi un verre d'eau à la main. L'inspecteur me lance un clin d'oeil appuyé , sourit au coquin , salue l'assistance pour la forme et prend congé.

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